Contexte
Dans le cadre du nouveau régime fiscal applicable aux associés de SEL (Sociétés d’Exercice Libéral), l’administration fiscale avait instauré une présomption selon laquelle 5 % de la rémunération était affectée à la fonction de gérance, et 95 % à l’activité libérale. Cette répartition, bien que contestable et peu réaliste, s’appliquait aux Gérants, tandis que la doctrine restait silencieuse concernant les dirigeants de SELAS.
Par ailleurs, l’administration exigeait qu’en cas de répartition différente, le contribuable soit en mesure de la justifier de manière rigoureuse, ce qui laissait entendre que cette justification serait difficile, voire impossible à établir.
En conséquence, il avait été convenu de suivre cette répartition par défaut au moins pour le premier exercice sous cette réforme, sous réserve de consignes ultérieures.
Décision du Conseil d’État du 8 avril 2025
Suite à un recours pour excès de pouvoir visant à annuler certains commentaires administratifs, et à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par le Conseil national des barreaux, le Conseil d’État, juridiction administrative suprême en France, est intervenu pour clarifier la doctrine fiscale applicable.
Cette décision comporte plusieurs points clés :
- Annulation de l’affirmation selon laquelle certaines tâches seraient, par nature, rattachées à l’activité libérale et non à la gérance.
Le Conseil d’État rejette cette catégorisation automatique des tâches, ouvrant la voie à une analyse au cas par cas.
- Annulation de la présomption automatique de 5 % de rémunération affectée à la fonction de gérant/dirigeant.
Cette présomption n’est plus applicable de manière systématique.
- Validation de l’obligation pour les gérants majoritaires de procéder à un partage de leur rémunération entre les deux catégories (fonction de gérance et activité libérale).
Cette ventilation doit être justifiée et documentée précisément.
- Validation de l’application du régime micro-BNC pour l’année 2024, en tenant compte des rémunérations perçues en 2023 et 2022, qui sont considérées fictivement comme déclarées en BNC.
- Affirmation que cette nouvelle doctrine s’applique indépendamment de la structure juridique, dès lors que le professionnel exerce une activité libérale.
Points d’attention
Le Conseil d’État a annulé certaines dispositions de la doctrine administrative fiscale concernant la répartition de la rémunération des associés de SEL, mais il a modulé l’effet rétroactif de cette annulation (bien qu’il n’y ait pas de mention spécifique expresse), afin de conformer aux décisions des juridictions civiles et de la doctrine administrative.
Le critère des 5 % reste applicable aux revenus de l’année 2024, car la décision ne s’applique pas aux impositions dont le fait générateur est antérieur à sa publication. (Règle
La nouvelle doctrine issue de la décision du Conseil d’État s’appliquera pleinement aux revenus postérieurs à 2024.
Il sera désormais possible de ne plus appliquer la répartition automatique 5 % / 95 %. Toutefois, les praticiens de SELARL doivent impérativement documenter précisément le temps consacré à leurs fonctions de gérance. Cette traçabilité est essentielle pour justifier la ventilation de leur rémunération entre BNC (Bénéfices Non Commerciaux) et rémunération relevant de l’article 62 du CGI (rémunération de gérance).
En attente des précisions administratives
Nous attendons avec impatience les prochains commentaires de l’administration fiscale, qui devront préciser les modalités pratiques d’application de cette décision, notamment en matière de contrôle et de justification.
Cette décision constitue une avancée majeure en offrant plus de souplesse et de réalisme dans la répartition des rémunérations des associés de SEL, tout en renforçant l’exigence de justification et de transparence.